dimanche 10 avril 2011

"Arc Républicain", ou la nouvelle Inquisition.

 Tout régime politique applique une forme de domination, reconnue (Ancien-Régime) ou non ("démocraties modernes"), sur les esprit de ses sujets. Ce qui maintient la force de ce régime, ce sont deux poids, deux lests, situés à l'opposés l'un de l'autre, et dont la tension soutient tout l'édifice idéologique. Ce schéma a parcouru l'histoire de l'humanité depuis les premiers monothéismes (notion de Paradis et d'Enfer) en prenants différentes formes. En descendant dans la sphère politique, il a pris de nouveaux avatars par lesquels de nouveaux régimes politiques s'établissaient: les monarchies de droits divins en héritaient par exemple le fonctionnement, en faisant de l'hérétique l'incarnation de Belzebuth sur Terre.

Les régimes politiques modernes prétendent s'etre débarassés de ces références subliminales au Bien et au Mal mais elles ne se sont débarassé que des formes; les processus politiques et idéologiques à l'oeuvre dans le Communisme, le Libéralisme, l'Anarchisme, reposent tout autant sur de l'irrationnel en révérant un principe dont la force et le rayonnement sont ceux d'un évangile - en un mot de sont des religions sans Dieux. Dans les périodes de crises, chacun de ces régimes laisse affleurer ces rouages cachés et persécute au nom d'un culte et d'un idéal, l'hérétique: pour le communiste, il s'agit du bourgeois. Pour le capitaliste des années 50 il s'agit à l'inverse du communiste. Pour le révolutionnaire Parisien de 1792, il s'agit du royaliste. Chaque période de Terreur dans l'histoire de l'humanité exhibe ces ennemis jurés du système en place; elle ne les invente pas, elle les rend juste plus visibles, et les processus sociaux, psychologiques, politiques, par lesquels se désignent cet ennemi, sont similaires: ils se basent avant tout sur le doute. L'accusation lancée est bien souvent suffisante, et plus efficace que n'importe quel procès, car ce sont bien les ressorts psychologiques et subliminaux qui sont utilisés. Que le communiste soit communiste ou que le royaliste soit royaliste importe peu... si la rumeur le dit et si les on-dits se recoupent, alors c'est qu'il y a du vrai. Ce mécanisme est invariablement répété lors de toutes les purges de l'histoire de l'humanité.

Quels sont donc les principes idéologiques qui gouvernent notre époque ? Quel est donc le "sacré" dans un temps ou toute transcendance a été évacuée de la Loi des Hommes ? Et qui sont donc les nouveaux hérétiques ? Il suffit de regarder la société lorsqu'elle se tend, ses réflexes nous éclairent. Il y a quelques semaines dans les média, à la suite du premier tour des élections cantonnales, les "front républicains" faisaient florès ici et là, tout en demeurant bien moins clinquants et vigoureux que ceux de 2002 après le passage de Jean-Marie Le Pen au second tour. En ces temps prospères pour Marine Le Pen, média et politiques tentent de trouver la nouvelle prise de judo qui leur permettra de mettre leur nouvelle ennemie au tapis, car les prises faciles offertes par Jean-Marie ont disparu: pas de propos scandaleux a retrouver dans les archives, pas de jeux de mots provocateurs, pas d'avantage de condamnations en justice.

La stratégie toute trouvée pour expulser cet ennemi c'est donc celle du recours religieux au sacré de notre époque: "république-démocratie-Droits de l'Homme". La nouvelle alliance: "l'arc/front Républicain". Que le mot de "non-Républicain" soit lancé et il suffit à justifier qu'on ne défende pas la liberté d'expression du concerné. Qu'il soit réellement non-Républicain n'est pas la question, mais puisque le mot est laché et repris en boucle, alors il est implicitement admis par l'opinion.

Mais un journaliste sérieux s'est-il penché sur la question de ce qu'est une République, afin de nous démontrer ce qu'il y a dans le programme du FN d'anti-Républicain ? Y a-t-il quelque part dans le programme, un retour à la Monarchie de prévu, et qui aurait echappé à tous ? La vérité est qu'en ces temps d'ignorance historique et politique, l'essentiel des gens, journalistes en tête, n'ont aucune connaissance solide de ce qu'est le concept de République, particuliérement de République Française.

Si un de ces journalistes existait il s'interrogerait par exemple sur le fait suivant, en partant du texte de notre Consitution:
ARTICLE 5.
Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'État.

Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités.
Notre Président est le "garant de l'indépendance nationale". Or, le traité de Lisbonne donne à Bruxelles la "compétence exclusive" sur certains sujets clé de la vie nationale: le budget, les frontières, pour ne citer qu'eux, et en évitant de parler de l'émission de la monnaie... L'Article 5 de la Véme République est donc purement est simplement jeté au panier !

Mieux, intéressons-nous aux conditions dans lesqueles ce traité de Lisbonne fut mis en place ! Ce traité est institué aprés que le peuple l'eut rejeté par référendum ! Giscard d'Estaing déclarait qu'il n'y aurait d'autre solution pour le peuple Français que de revoter. En Irlande d'ailleurs, c'est ce qui advint: le peuple eut à le revoter aprés une période Orwellienne de ré-éducation. Cohn-Bendit, ayatollahs du Républicanisme, considérait d'ailleurs tous ceux qui avaient voté NON comme des "malades mentaux".

Voilà donc la situation ubuesque que nous connaissons, ou un "front Républicain" en violation des principes de la République, jette au bûcher de supposés anti-Républicains dont rien ne démontre qu'ils sont contre les principes de ladite République !



jeudi 7 avril 2011

Buy Silver, Crash JP Morgan - maintenant en Français !

Cette petite vidéo réalisée par mes soins explique au public Francophone un mouvement qui prend de l'ampleur outre-Atlantique: "Buy Silver, Crash JP Morgan" (littéralement "Achetez de l'Argent, mettez JP Morgan en faillite"). Cette campagne a été initiée par Max Keiser qui tient une chronique financière sur Russia TV.

Il s'agit globalement, à la fois de protéger son épargne en transformant sa monnaie papier en monnaie "métal", tout en contribuant à faire s'écrouler un trucage financier planétaire maintenant les cours de l'argent et de l'or à la baisse dans le but de laisser la tête du Dollars hors de l'eau. Beaucoup d'informations sur ces sujets, sur les signalements de fraude faits à la CFTC, sur les investigations ayant eu lieu, sont disponibles sur Internet mais quasi-exclusivement en Anglais...

J'espére contribuer un peu à conforter le mouvement en mettant en ligne cette vidéo.



Plusieurs liens mentionnés:

- le site de Max Keiser 
- le blog de Pierre Jovanovic avec notamment une rubrique sur les achats concrets de pièces.

Petit coup d'oeil sur la relation pétrole-guerre...

Bien qu'il existe un consensus général dans l'opinion sur le fait que le pétrole soit intimement lié aux guerres, cette opinion se refuse paradoxalement à donner à cette relation un contour un peu net et précis, et place dans le camp des complotistes celui qui s'y emploie. Afin de remédier à cette tendance, voici un petit historique des coups de canons et autres coups d'états dans les pays pétroliers, lorsque les dirigeants locaux se sont montrés un peu trop entreprenants avec leur pétrole...

Nous le savons, l'économie mondiale repose sur un étalon: le Dollars. Le Dollars, une monnaie papier et nationale donc, qui a pris la place de l'étalon-or aprés un véritable coup d'état lors du Nixon Shock en 1971. Cette hérésie - à laquelle personne ne s'est attaquée depuis 40 ans, fait partie d'un trucage économique mondial dans lequel le dollars occupe une position dominante illégitime, en plus d'illégale car en violation avec les accords de Bretton-Woods.

Dans le cas du pétrole par exemple, les transactions sur toute la planète se font en dollars, garantissant ainsi une demande constante pour cette monnaie aux Américains bien que cette demande ne reflète aucunement une demande pour des biens Américains... Certains pays producteurs de pétrole ont tenté de faire barrage à ce système, soit en vendant leur pétrole dans d'autres monnaies, soit en nationalisant leur production. Voyons donc quels "accidents" leurs sont malencontreusement arrivés suite à ces initiatives...

1/ Le cas d'école Iranien en 1953.

Cas d'école car parfaitement documenté, et même officiellement reconnu par l'administration Obama dernièrement. En 1951, Mossadegh décide de nationaliser la production de pétrole Iranien auparavant entre les mains de l' Anglo-Iranian Oil Company.

1953: coup d'état renversant Mossadegh. Nous apprendrons plus tard que ce coup d'état était entièrement orchestré par la CIA dans le cadre de l'Opération AJAX.



2/ Saddam Hussein en 2000.

En 2000, Saddam Hussein décide de vendre son pétrole en Euro et non plus en Dollars, comme en atteste toujours cet article du Guardian:
A bizarre political statement by Saddam Hussein has earned Iraq a windfall of hundreds of million of euros. In October 2000 Iraq insisted on dumping the US dollar - 'the currency of the enemy' - for the more multilateral euro.
Nous savons tous ce qu'il adviendra de l'Irak en 2003.


3/ Le pétrole Libyen.

Gaddafi avait récemment attrapé le virus des nationalisations du pétrole, et avait d'ailleurs exprimé ses vues à ce sujet de façon publique.

(Reuters) - Libyan leader Muammar Gaddafi said on Wednesday his country and other oil exporters were looking into nationalizing foreign firms due to low oil prices and suggested Tripoli might not stick to OPEC

Nous venons tout juste d'entamer une opération militaire contre la Libye, opération dont seul le premier volet (aérien) est pour l'instant connu.

4/ Le cas Chávez.

‎En 2001, Chávez nationalise partiellement le pétrole du Vénézuela (rappelons que l'OPEP fut fondée par ce pays).

En 2002, un coup d'état manqué échoue à le remplacer, mais fournit un exemple de plus à notre étude.

5/ L'Iran des années 2000.

En 2006, l'Iran a initié la vente de pétrole dans d'autres monnaies que le Dollars, suivant ainsi l'exemple de l'Irak de Saddam Hussein.

Iran is selling more of its oil for payment in euros than dollars as it seeks to shift its foreign currency reserves away from the depreciating currency of its political enemy, the United States. 

Depuis, nous ne cessons d'être abreuvés d'une campagne médiatique conditionnant les esprits à accepter une future guerre contre ce pays. Les deux plus brillants exemples à ce sujet demeurent la menace nucléaire (dont on parle bien moins dans le cas du Pakistan), ou la "lapidation" de Sakineh (on parle bien moins de la Charia en Arabie Saoudite).

Les paris sur une guerre contre l'Iran à moyen terme sont donc ouverts...

mercredi 30 mars 2011

Une illustration de la puissance du lobby bancaire.

Depuis les années Trente existe une loi de bon sens qui interdit le mélange de la banque d'investissement (celle qui spécule), avec la banque de détail (celle qui abrite et prête l'argent des épargnants). Ceci est le Glass-Steagall Act, institué en 1933 aprés la crise.

Première chose donc, tous ceux qui prennent des airs de prix Nobel pour nous dire qu'il faut séparer les deux activités, n'inventent pas le fil à couper le beurre: ils réinventent une loi qui existait avant qu'ils ne soient nés, et qui a été supprimée dans des conditions ahurissantes il y a une quinzaine d'années, conditions qui fournissent la matière à ce billet.

En 98 se prépare l'une des plus grandes fusion de l'histoire: celle de la banque Citicorp, avec la banque d'investissement Travellers. Le bébé s'appellera Citigroup. On se demande cependant comment l'idée et la préparation se cette fusion a pu se dérouler puisqu'elle est purement est simplement illégale au regard du Glass-Steagall Act mentionné plus haut...

Sanford Weill, le chef de Travellers, explique cependant dans une interview d'Avril 98, que cette embuche ne le préoccupe pas et qu'il est confiant que d'ici quelques années "la législation changera". Curieuse assurance dans un état de droit où les lois sont votées par des représentants démocratiquement élus !

Sanford Weill, the Travelers chairman, said he expected the Fed to quickly approve his company's application to become a bank holding company and added: "I don't think we have to spin anything off to make this happen."

Current law, he said, allows at least two and as many as five years for prohibited assets to be divested. "We are hopeful that over that time the legislation will change," he added.

He said the companies had already had talks with the Fed about specific legal impediments and said, "We have had enough discussions to believe this will not be a problem."


Et en effet en 1999 l'administration Clinton déboulonne cette régulation qui eût pu contrarier les desseins de nos financiers; bienvenue au Gramm–Leach–Bliley Act. Depuis, d'autres groupes ont ete créés sur des fusions similaires (Bank of America...).

Les deux prix Nobel d'économie Krugman et Stiglitz sont sans détour sur la question: les dérégulations de l'ère Clinton et du clan bancaire des Greenspan et compagnie, sont directement responsables de la crise et de la financiarisation de toute l'économie.
 

Obama est évidemment du même avis, et affiche en surface une certaine hostilité aux exaction du monde bancaire... le problème est que l'essentiel de ses financements de campagne proviennent de banques.... Goldman Sachs en est le second contributeur ! Ceci permet au passage de noter qu'il est trés facile de faire en sorte que les gauches du monde entier (en particulier la gauche Française) se prosternent devant le candidat de Wall Street: il suffit que le candidat soit métisse, alors tout lui sera autorisé !

Ne parlons évidemment pas de la composition du staff de la Maison Blanche, tiré tout droit des conseils d'administration de Manhattan. Bill Daley, le Chief of Staff, vient de la sulfureuse banque d'investissement JP Morgan; il y avait avant lui Rahm Emmanuel qui venait lui de Freddie Mac. Lawrence Summers, au Conseil Economique, était l'un des artisans de la mise à mort du Glass-Steagall Act. Peter Orszag est maintenant haut-placé de Citigroup. Timothy Geithner est passé par la FED de New-York...


Pour en savoir plus à ce sujet je recommande vivement le film documentaire Inside Job dont voici la bande-annonce:







Cachez ce sein que je ne saurais voir !

La commissaire européenne à la Justice, Viviane Reding, a déclaré qu'il serait illégal à partir de Décembre 2012, de pratiquer des tarifs d'assurance différents pour les hommes et les femmes: "une compagnie d'assurance ne doit pas faire distinction entre les femmes et les hommes et tous les consommateurs doivent être traités sur un pied d'égalité", a-t-elle expliqué.

Cette chronique pourrait fournir matière à discuter de ces lois pondues à Bruxelles par des commissaires que personne ne connait et dont le pouvoir excède largement celui de tout Ministre national d'un gouvernement élu, mais elle présente un autre intérêt: elle est une petite manifestation en elle-même anecdotique, mais qui démontre l'absurdité de l'idéologie dominante des luttes contre les discriminations et par extension, de l'antiracisme.

Cette loi semble offusquer beaucoup de gens alors qu'elle n'est pourtant que la simple application de principes idéologiques pour lesquels on se montre moins sévère; or, si l'application d'un principe est absurde, il faut en tirer les conséquences et contester ledit principe. Je suis également pour qu'on cesse de prendre en compte l'âge ou les éventuels handicaps dans les tarifs des assurances: décide-t-on de problèmes de vue, ou de sa date de naissance ? Non. Il est donc scandaleux d'en tenir compte - de "discriminer", donc, les clients. Ne nous limitons pas aux tarifs d'assurances. Allons plus loin: pourquoi le maladroit, l'inattentif, l'étourdi, devraient-ils payer plus leur assurance ? Ont-ils plus d'accidents parce que ceci leur plait d'en avoir ? Non. Il est donc scandaleux de les "discriminer" eux aussi.

On le voit donc, les théories sur les "discriminations" comportent en réalité en leur sein, et de façon paradoxale, une propension à araser les "Différences", et à nier leurs manifestations dans la vie sociale. Et pourtant, si la "Différence" existe en matière philosophique et dans l'art de la rhétorique politique, alors ce par quoi elle existe, ce par quoi elle se manifeste, ce par quoi elle se remarque dans la vie sociale, existe tout autant ! Si donc encore, un des attributs de la vieillesse est d'être moins disposé à ce qui demande de  l'attention et des réflexes, eh bien soit ! qu'on assume pleinement qu'un vieillard ait de plus grands risques de causer des accidents au volant.

L'idéologie de notre temps se manifeste par une extrême pudibonderie dès qu'il s'agit de définir ce qui est; aprés tout,l'activité de définir consiste en grande partie à discriminer, car dire ce  qu'une chose est revient partiellement à dire ce qu'elle n'est pas. Notre société est donc à l'aise quand il s'agit de manipuler des idées et des concepts ("Vieux", "Femme", "Arabe"...), mais devient soudainement allergique aux mots qu'il faut pourtant bien employer pour définir cette "différence" et dire par quoi elle est précisément différente. Curieux paradoxe, curieuse chasteté dont l'ordre est en réalité religieux. Chaque Église et chaque époque ont leurs dogmes, leurs tabous, et leurs hérétiques.

Concluons avec une petite incursion littéraire dans une autre époque et dans d'autres moeurs:
Quelle serait une société universelle qui n’aurait point de pays particulier, qui ne serait ni française, ni anglaise, ni allemande, ni espagnole, ni portugaise, ni italienne, ni russe, ni tartare, ni turque, ni persane, ni indienne, ni chinoise, ni américaine, ou plutôt qui serait à la fois toutes ces sociétés ? Qu’en résulterait-il pour son intelligence, ses mœurs, ses sciences, ses arts, sa poésie ? Vous dînerez à Paris, et vous souperez à Pékin, grâce à la rapidité des communications ; à merveilles ; et puis ? Comment s’exprimeraient des passions ressenties à la fois à la manière des différents peuples dans les différents climats ? Comment entrerait dans le langage cette confusion de besoins et d’images produits des divers soleils qui auraient éclairé une jeunesse, une virilité et une veillesse communes ? Et quel serait ce langage ? De la fusion des sociétés résultera-t-il un idiome universel, ou bien y aura-t-il un dialecte de transaction servant à l’usage journalier, tandis que chaque nation parlerait sa propre langue, ou bien les langues diverses seraient-elles entendues de tous ? Sous quelle règle semblable, sous quelle loi unique existerait cette société panthéiste? Quelle foi ou quelle incrédulité serait adoptée par les Chrétiens de toutes les sectes, par les Juifs, les Mahométans d’opinions variées, par les Bouddhistes, les adorateurs de Foe et les idolâtres ? Comment trouver place sur une terre agrandie par la puissance d’ubiquité, et rétrécie par les petites proportions d’un globe fouillé partout ? Il ne resterait qu’à demander à la science le moyen de changer de planète.




Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe

mardi 29 mars 2011

Libye 2011 et Iran 1953.

Nous commençons à devenir familiers du schéma qui s'applique à quasiment toutes les guerres que l'Occident a conduites depuis plusieurs décennies: d'abord une émotion mondiale, unanimement partagée; puis une urgence politique; enfin, l'intervention de l'Occident dans un cataclysme de déflagrations, de métal déchiqueté et de béton pulvérisé.



Depuis la première guerre en Irak, nous suivons nos bombardiers en direct et nous voyons le front avancer en direct, jusqu'à approcher la capitale. Aujourd'hui, les rebelles butent à Syrte. Quels rebelles exactement ? L'opinion a été abreuvée de ce terme depuis des mois avec la révolution Tunisienne... mais quels sont ces rebelles Libyens dont on apprenait qu'ils avaient abattus par erreur un de leurs avions ? Quels rebelles passent en quelques jours; des bâtons et des pierres, aux avions de chasses ? Surtout, notre pays ayant été le premier a reconnaître politiquement ces révolutionnaires, après que Bernard-Henri Lévy les a rencontrés, dans quelle alliance sommes-nous donc désormais engagés ?

L'histoire des derniers conflits m'a appris à me méfier systématiquement dans les temps qui accompagnent le déclenchement d'une intervention à l'étranger... Les armes de destruction massives en Irak, Al-Qaïda en Afghanistan, les couveuses débranchées par les soldats de Saddam au Koweït, les "nouveaux camps de la mort" en Serbie... tout nous indique que la seule attitude raisonnable quand tous les doigts se pointent vers un dicateur en criant "les Droits de l'Homme !", c'est celle du scepticisme et du doute.

Un premier élément conforte celui qui demeure circonspect devant les raisons qui poussent à intervenir: l'interview d'un chef rebelle Lybien par le journal Italien Sole 24 Ore. L'interview, ignorée par les média Français, est consultable sur le site Anglais du Telegraph. On y apprend qu'Al-Hasidi a recours à des soldats d'Al-Qaïda; on y apprend également que ce Jihadiste fut un des leaders du Libyan Islamic Fighting Group. Ceci est confirmé dans le Washington Times également:
A former leader of Libya’s al Qaeda affiliate says he thinks “freelance jihadists” have joined the rebel forces, as NATO’s commander told Congress on Tuesday that intelligence indicates some al Qaeda and Hezbollah terrorists are fighting Col. Moammar Gadhafi’s forces.

Ce groupe armé synthétise toutes les ambiguïtés des mouvances proches d'Al-Qaïda: à la fois soutenu par des services Occidentaux (MI6 Anglais), tout en étant mis sur liste noire par l'ONU pour terrorisme; toujours est-il que la récente résolution 1973 votée à la hâte établi de fait un soutien armé à cette mouvance !

Un second élément conforte nos doutes: Khaddafi a fait publiquement état de ses intentions de nationaliser le pétrole en 2009 (voir ici). On comprend donc bien que les sympathies de nos pays pour un tyran de plus, trouvent aujourd'hui leurs limites en Libye, alors qu'elles perdurent et prospèrent sous d'autres contrées tout aussi tyranniques mais plus accommodantes en terme d'exploitation pétrolière: Bahreïn, mais surtout l'Arabie Saoudite.

Mais surtout, ce dernier élément nous permet de faire un parallèle intéressant et pertinent avec un événement géopolitique singulier: le coup d'état orchestré par les USA contre Mossadegh en 1953 en Iran. Ce dernier, démocratiquement élu, avait décidé de nationaliser le pétrole. Sa chute ne tarda pas, aprés des émeutes dont nous apprendrons plus tard qu'elles étaient financées par la CIA via l'Opération AJAX. Les Etats-Unis ont reconnu il y a quelques années, soit un demi-siècle plus tard, leur implication dans cette destitution...